[FINI] Je crois que ma chatte est une voleuse. } PV Isao.

Il est sept heures. Je suis réveillé depuis au moins trois heures. Vous me demanderez sûrement qu’est-ce que je fais dehors un samedi matin à sept heures pétantes ; la réponse est simple et je vais vous la donner. Je cherche des feuilles de bonne qualité pour fabriquer un pagne avec. Ça ne vaut pas les feuilles énormes qu’on trouve dans les contrées exotiques (j’ai vu ça à la télé), mais c’est toujours mieux qu’une jupe de feuilles en plastique. Je veux un costume de qualité, moi, monsieur. Je ne veux que du VERIDIQUE, moi. De l’authentique ! Sinon les gens n’y croient pas, et un acteur incrédible ça la fout mal !
En revanche, je vous JURE que je ne m’attendais pas à mon invité surprise ; c’est un chat. Bon après tout il fait ce qu’il veut, il est libre, etcetera. Mais je voudrais bien qu’il approche quand même hein. J’aime bien les chats ; je pourrais le caresser pendant deux secondes, et ensuite, back to business !

« Viens ! Mimine ! Minouche ! Minet ? »

Il ne bouge pas. Pourquoi ? Je suis un gentil humain (avec les animaux) ! Peut-être que ça le GENE que j'agite mes bras comme ça pour qu’il vienne ? Bah tant pis pour lui ! Viens pas ! Je vais ramasser mes feuilles !
Je fais volte-face vivement, tape du pied par terre, et je m’accroupis à nouveau pour examiner le résultat de mes récoltes.
J’ai fait tomber un truc aussi, en tapant du pied.
Merdealorsc’estmonfric.

« Non ! Noooooon… » je tends la main vers mon porte-monnaie, en slow motion, alors que le chat d’un peu plus tôt arrive en se dandinant et choppe MES sous dans sa gueule ???? Quel mal élevé ? Je peux lui intenter un procès pour ça, porter plainte ! Une fille passe à côté de moi en criant (une langue étrangère sûrement, elle demande un kit, un kit de quoi ? J’en sais rien, c’est peut-être une folle). Je me relève brusquement, ayant repéré ma cible en haut d’un arbre. Je dépasse la fille bizarre à toute vitesse et m’agrippe à l’arbre.

« Rends… Moi… CA ! J’en ai besoin pour financer plein de choses ! ALLEZ ! »

Ok, je sais pas grimper aux arbres mais ça s’apprend. Je peux grimper sur une armoire donc pourquoi pas un arbre ? C’est en bois aussi. Ça me fera une expérience pour mon CV de cascadeur ! Je pourrais doubler une star et jouer les scènes d’explosions ! Mais pour ça je dois avant tout récupérer mes sous.

J’essaie de me redresser, sans grand succès. Je vais devoir descendre pour me stabiliser à nouveau si ça continue. Et ce serait VRAIMENT une perte de temps. Je n’ai pas toute la journée devant moi !
(Enfin si, mais ça va vite me faire chier de courir après un chat.)
Le chat se met à miauler, comme pour me narguer. Je hausse un sourcil, le visage en feu.

« Tu te fous de moi ? Y’en a au moins pour 7 000$ là-dedans, alors c’est pas en disant « désolé » que ça va aller ! »

Je suis profondément outré. C’est cet instant que choisit madame-j’ai-perdu-mon-kit-mains-libres pour se manifester avec une idée qui aurait pu être bonne, si elle avait été réalisable seul. Genre, moi tout seul. Non mais vous comprenez, si je la laisse m’aider, à tous les coups il lui faudra un dédommagement. Pas que je sois rapiat (mais un peu quand même) ; mais il est hors de question que je lui doive quelque chose. En plus c’est une fille, elle serait capable de me piquer MON maquillage. Alors que j’en ai vraiment besoin, moi. Pour dessiner des blessures et tout.
Je me laisse tomber au pied de l’arbre. Alors comme ça c’est son chat ? Il lui a volé son kit quelque chose à elle aussi ? Je lui tourne le dos pour enfiler mon masque vite fait ; je suis trop rouge là. Puis je m’approche d’elle à grands pas.

« Non. »

Je m’éloigne dans le but d’entamer à nouveau mon ascension de l’arbre, puis je rembobine et fais marche arrière.

« Non parce qu’après, je vais te devoir un service. »

Sur ce, je me détourne d'elle, regrettant sur le moment mes cheveux courts. S'ils avaient été longs, ça aurait ajouté encore plus de dédain à mon attitude ; on y aurait encore plus cru en fait ! Même si en vrai je m'en fous un peu. L’explication me semble correcte et satisfaisante, aussi je me dirige encore vers ma cible, une lueur de détermination scintillant dans mes yeux. Enfin je pense ?

Cette fille réagit bizarrement quand on lui dit non. D’abord elle pleure dans sa tête (je suis sûr que c’est vrai), et ensuite elle claque des mains, carrément emballée par la situation ? J’avoue que se débarrasser d’un tel calvaire ça fait plaisir, et moi aussi j’aimerais bien que ça se finisse vite svp merci ! Et puis d’un seul coup.

« STOOOOP ! »

Je m’arrête net. Enfin j’essaie, mais mes jambes veulent pas trop obéir ; du coup, avant même qu’elle n’ait pu terminer sa phrase, BAM COLLISION. Et on se casse la gueule par terre. Je grimace un peu (et ça, ça fait pas partie de mon personnage), avant de me relever. Putain, elle est assez grande pour me cogner le menton avec sa tête. Si j’ai des dents cassées, elle devra les rembourser. Cela dit, présentée comme elle l’a fait, son idée semble intéressante.
Je l’aide pas à se relever (parce que je ne suis pas un prince) ; à la place, je lève le nez vers le feuillage, examinant la distance qui nous sépare de l’abri du monstre.

« Hey ! Jackson ! Saute sur ta maitresse et rebondis sur elle, maintenant ! »

J’ai peu d’espoir qu’il obéisse, mais quand je le vois se lécher la patte comme si de rien n’était, mon porte-monnaie posé en équilibre sur une branche, mon sang ne fait qu’un tour.

« Ok, Blondie, tu me fais la courte, mais je ne te dois rien, c’est clair ? »

Je fais les gros yeux derrière mon masque, du coup je pense qu’elle ne peut pas voir à quel point je suis sérieux ; mais on s’en fout, l’enjeu est bien trop important, et de toute façon, cette agitation me donne chaud. Et j’ai mal au menton, putain. Si je mâche une feuille et de l’herbe et que je le mets dessus, ça va apaiser ? RAH, on a pas le temps de tergiverser !

« Allez, go ! » je crie, en mettant mon pied en avant pour qu’elle me soulève. J’espère qu’elle a mis ses muscles ce matin.

Je souris lorsque je la vois se mettre en position, pour m’envoyer vers les branches, via propulsion de mains. C’est satisfaisant de voir quelqu’un qui ne met pas trois plombes avant de réagir avant neuf heures le matin. D’habitude les gens sont à moitié morts, parce que pas réveillés ou je sais pas quoi. Un peu de réactivité, ça fait du bien. Alors ni une ni deux, je pousse sur mon pied, je m’élève, je lance mes bras vers les branches qui-
Ne sont pas là ?
Où sont les branches ?
Putain ça c’est ce que j’appelle un mauvais calcul de trajectoire, clairement. C’est sûrement à cause de notre collision d’un peu plus tôt qu’on est mal placés sur la map. Ca nous a retourné les neurones. Enfin, pas de panique ! J’ai un plan de secours, ça s’appelle sauter gracieusement et atterrir en finesse ! C’est part-

« Mais qu’est-ce que tu- ??? »

Ouais bon voilà, ça aurait pu bien se passer, à mon humble avis, mais Blondie a fait n’importe quoi. ET VOILA. Non, c’est pas à cause de moi. Cessez de m’accuser s’il vous plait. Nous basculons en arrière, et je m’étale sur elle. Mon coude s’enfonce dans ses côtes (je suppose que c’était les côtes ? J’espère juste que ce n’était pas sa poitrine, ce serait vraiment malpoli), et c’est un enchevêtrement de bras et de jambes qui finit sur la pelouse. Vraiment n’importe quoi. Et en plus ça fait mal.
Une fois la chute terminée et l’adrénaline retombée, je pose ma tête en poussant un soupir, vaincu. Puis je me souviens que, ah, oui, je ne suis pas dans mon lit. Je roule sur le côté pour me retrouver dans l’herbe et cesser d’étouffer cette jeune fille (et ce faisant, je l’écrase sans doute un peu plus).

« Bon, voilà, je pense que l’idée était bonne, mais à mon avis on a mal évalué la distance hein, surtout toi. On recommence ! »

Je me redresse, prêt à en découdre. Je jette un coup d’œil réprobateur à madame je-me-casse-la-gueule-et-j’entraine-tout-le-monde-avec-moi. Puis j’essaie de changer d’attitude, parce que tout de même, je lui fous un coup de boule et ensuite je l’écrase. Imaginez si elle raconte à tout le monde que je suis un yakuza. Ma carrière serait fichue.

« Bon, ça va ? T’es prête ? On peut y retourner ? »

Je veux me montrer aimable, mais pas trop. Son chat tient toujours mon précieux en otage.

Bon, vous savez, je ne suis peut-être pas du genre aimable, ni particulièrement agréable, mais faire pleurer quelqu’un c’est pas très sympa. C’est un coup que j’aimerais pas qu’on me fasse (mais j’ignore si c’est faisable, je pleure pas énormément). Du coup je me sens un peu mal pour Blondie, qui va être obligée de raconter ses tourments à son chat une fois qu’on l’aura récupéré. Imaginez si Jackson est son seul confident, et qu’elle n’a que lui. Je me sentirais encore plus mal.
Non je déconne ; je dois juste m’assurer qu’elle continuera de m’aider gratuitement hein. Et pourquoi ne pas me risquer à un geste gracieux afin d’augmenter son intangible dette ? Je sors un mouchoir en papier propre de ma poche. Il est un peu fripé et roulé en boule, mais je l’ai pas utilisé. Enfin, peut-être que je l'ai posé sur ma tête une fois. Mais c'est parce que j'avais pas de chaperon !

« Tiens, utilise ça. Sinon tu verras pas. »

Je hausse les épaules. Ça m’a un peu refroidi, de la voir pleurer ; mais là je suis en FEU. IL FAUT RECUPERER MES SOUS. L’enjeu est énorme, je sais pas si vous vous rendez compte ! Je me mets en marche vers l’arbre, déterminé. Je fais à peine quatre ou cinq pas en fait hein, mais voilà. C’était pas très loin. Sans même vérifier si Blondie m’a suivie, je me mets au garde à vous.

« Très bien soldate ! Prête ? »

Je vérifie bien sept fois que je suis au bon endroit, puis je me mets en position une fois encore. Cette fois-ci, ça va marcher ! J’éclaircis ma voix, avant de tenter un accent américain pour menacer mon Némésis.

« Tu ne perds rien pour attendre, Jackson. Tu n’es qu’un voleur et un menteur ! »

Au final, je crois que mon accent rend le tout incompréhensible. Pas grave, je m’améliorerais plus tard. Je tourne la tête vers Blondie, et d’un hochement sec de la tête, je lui indique qu’on est parés. On a intérêt à être une team de choc cette fois-ci !

Juste avant de m’envoler, je mets mon masque bien en place, puis je me retourne vers Blondie, histoire de clarifier quelque chose.

« C’est un mouchoir en papier, hein. Si tu le salis, je m’en fous. »

Faut pas qu’elle hésite à baver dessus si ça lui plait ! Moi, je ne vais pas la juger pour ça hein. Chacun son trip, et peut-être que c’est le sien. Quoiqu’il en soit, l’envol est imminent, et c’est avec le regard fixé sur ma cible que je me sens propulsé.
Pendant un court, très court instant, je vole comme Superman. Ou Falcon ! Ou Godzilla ! Ah mais non, pas lui. Enfin bref, c’est jouissif. Rien que pour ça, je songe un instant à me réorienter pour devenir homme-canon. Je suis canon, déjà, et ensuite je pourrais carrément être un boulet de canon, et ça, ça en jette !
Enfin, parenthèses à part, je m’agrippe à la branche que je visais, puis je me hisse dessus.

« Good job, Roger ! » je lance à Blondie qui est en bas, en lui faisant le signe de la victoire. Mon but est proche. De minute en minute, mes chances d’accomplir mon objectif augmentent. Par contre j’espère que les branches vont pas craquer. Je pèse facilement plus de 65 kilos. Voire même plus de 70. En vrai je m’en fous, d’habitude, mais là ça pourrait me tuer. Je crois. Non ?

« Jackson ! Descends ici sinon c’est moi qui monte ! »

Je menace le chat mais ça ne marche pas. Qui l’eut cru ; les félins se croient tout permis. Comme moi, mon gars, donc t’as pas le choix haha !

« Je peux te le lancer si je l’attrape ? » je crie à Blondie. On pourrait jouer à chat-vole ! Mais d’abord il faut que je continue ! L’arbre est pas infini, donc je devrais pouvoir crier victoire bientôt !

Je n’ai pas le temps de crier victoire lorsque j’attrape Jackson par la peau du cou, parce que d’un coup l’arbre grince et craque. Je suis pas du genre religieux ou quoique ce soit, mais là ce serait bien qu’un dieu arrête ça et empêche ma chute parce que ça risque de faire mal en fait.
Mais vous savez quoi, il est déjà trop tard.
Je jette le chat de toutes mes forces en criant un truc qui ressemble à « tiens » et « attrape » ; sans doute un mélange des deux ? Tientrappe ?
Et puis tout fout le camp ; et je dois m’arranger pour rester au-dessus de la branche, parce que se prendre ça dans la gueule, ça doit faire mal ? En un ultime réflexe, je choppe mon porte-monnaie avec ma main gauche, et je serre très fort. Ca va cogner.

« MAIS AÏE PUTAIN »

Classe et distingué, le juron. Ouais mais bon ça fait putain de mal je déconne pas. Quoique ma chute ait été amortie par l’herbe tendre et-
C’est pas de l’herbe ça.
J’ai encore merdé, les gars.

« Blondie ?! Ca va ? T’es morte ??? »

A l’évidence, si c’était le cas, elle serait dans l’incapacité de me répondre. Je l’ai quand même assommée pour la deuxième fois de la matinée. Et si elle avait un traumatisme crânien ? Ou un truc qui l’a tuée ? Il faut que je parte d’ici avant que la police n’arrive. Mais ce serait vraiment incorrect, vu qu’elle m’a aidé. Rah, ça fait chier !

« Réveille-toi ! … Je peux pas la laisser ici. »

Je la pousse légèrement du pied. Pas de réaction ; soit elle est vraiment morte, soit elle est vachement bonne actrice. Mais ma décision est prise ; je la fais rouler plus près, jusqu’au pied de l’arbre pour dégager un peu le passage. Une fois cette tâche accomplie, je hoche la tête.

« Bon. Je fais quoi maintenant avec ce cadavre. »

C’est pas une mince affaire ; je vais devoir la jeter dans la décharge.

Je suis encore en train de me demander comment me débarrasser d’un corps, plongé dans mes pensées, lorsque j’observe pensivement les alentours. Mouais, ça attirerait forcément l’attention si on me voyait partir à toute vitesse en trimballant une fille inconsciente sur mon dos, comme un sac à patates. Il y a forcément un autre moyen ; mais lequel ? Appeler un ami ? Laisser le public décider ?
En fait, j’aurais dû surveiller mon cadavre de plus près, parce que pendant que mon attention était détournée, Blondie en a profité pour se relever.

GASP.

On dirait Sadako dans The Ring, là.

« Euh… Ça va ? T’as très mal si tu te tiens comme ça haha ! Non ? Oui ? »
Bon, j’avoue que je suis un peu nerveux ; mais j’ai une excuse ! C’est-à-dire que je l’ai presque tuée, et là apparemment elle est en sale état. Si je l’emmène à l’hôpital, je devrais payer ses frais d’hospitalisation et tout. Je viens de récupérer mon porte-monnaie, c’est pas pour le vider maintenant.

« Peut-être que je devrais l’achever… » je marmonne. C’est à ce moment-là qu’elle se décide à me fixer méchamment. Merde, je crois qu’elle est en colère. Et sa voix est un peu… Etrange. Pas comme d’habitude. J’ai touché ses cordes vocales ? Ce doit être au-delà du réparable à ce niveau-là. Ouh lala elle va sûrement me tuer avant que je ne la tue.

« Tu m’as tuée… ! »

Attendez, quoi ? Ça tourne au surnaturel là. Je hausse un sourcil, perplexe. Si elle est morte, je n’ai pas de soucis à me faire. Je cours plus vite qu’elle en plus. Mais ça m’étonnerait franchement que je rencontre un vrai souci ; les zombies, ça n’existe pas.

La preuve, elle se met à rigoler presque immédiatement. Je la fixe, suspicieux. Quel revirement de situation aura lieu ensuite ? Elle va danser la zumba ? Je me joins à son rire, un peu tardivement. Ça fait du bien, après toutes ces émotions intenses du matin. J’étais pauvre il y a quelques secondes vous vous rendez compte ?

« C’était pas mal joué ! T’as pas tenu ton sérieux par contre ; il faudra que tu t’entraines là-dessus. » dis-je une fois l’euphorie retombée. Je frotte mes cheveux, pour qu’ils tombent un peu devant mes yeux, puis je me redresse, les poings sur les hanches.

« Regarde, pour ne pas rigoler, tu peux faire ça. »

Je me claque les deux joues en même temps, puis je fronce les sourcils. En fait, je ne sais pas comment expliquer ; pour moi c’est normal et même facile. Il faut que je trouve une astuce. Bongo ! Je claque des doigts, avant de me lancer.

« T’as qu’à penser qu’on va te tuer si tu rigoles. Vas-y essaie ! »

Ah oui, merde, mon masque. Je ne l’ai pas enlevé. Promptement, je le fais glisser à l’arrière de ma tête, afin d’être en mesure de mieux observer les efforts de Blondie. Il faut qu’elle puisse maintenir son masque plus de quelques secondes, sinon c’est totalement inutile ! Je la fixe sévèrement, puis je me rends compte qu’elle ne rit pas.
Toujours pas.
Tooouuujours pas.
On dirait même qu’elle a peur ?

« Hé, ça va ? »

Je hausse un sourcil ; je crois qu’elle est perdue dans ses pensées. Puis elle redescend sur Terre, brusquement ; et elle a l’air terrifiée. J'en reviens pas que cette fille se soit fait peur toute seule. Perplexe, je l’écoute débiter ses excuses. Je ne comprends pas pourquoi ça ne marchera pas ? Enfin pour moi c’est une affaire trop sérieuse pour que j’en ris une fois sur scène, alors je ne sais pas trop.

« Laisse tomber. Le truc c’est de croire qu’on va se faire tuer tout en sachant que c’est pas vrai. »

Bravo, Isao, ça ne veut rien dire. Je croise les bras sur mon torse, un poil fier de moi ; après tout, j’ai pas vraiment de technique, moi. J’y arrive, c’est tout. J’esquisse un sourire insolant, un sourire qui veut dire « je suis plus fort que toi » ; mais elle s’en fout, je crois.
Et elle demande même à savoir comment je m’appelle.
C’est TROP.

« Tu connais pas mon nom ?! Bientôt je serais une star ! Je m’appelle Isao, tâche de t’en souvenir, Blondie ! » j’éclate, pour de faux bien entendu. Je me détends presque immédiatement après ; la renommée est en marche, alors qu’elle apprenne mon nom ici et maintenant, ou demain dans les journaux, ça m’est égal.

« En tout cas, c’était cool ce que t’as fait pour mes sous. Good job ! Mais je crois que Jackson s’est enfui, l’enflure. »

Il n’est même pas allé en prison ; dans quel monde vit-on ? Le criminel court toujours ! En tout cas, bien joué, même si tu ne sais pas jouer, Blondie. D’ailleurs, elle m’a dit son vrai nom. C’était quoi déjà ? Merde hein. J’ai pas assez de place pour tous les noms des personnages secondaires dans ma tête.

Vous savez, je crois que c’est la première fois que je rencontre une personne aussi enthousiaste à propos de mes spectacles, si on peut les appeler ainsi. Ou même à propos de tout en fait. Du coup, je me mets à rougir, avec un sourire idiot sur le visage. C’est ça, être reconnu ? C’est cool !
C’est aussi embarrassant que je rougisse comme ça UGH. Je remets mon masque en vitesse afin de me calmer, avant de répondre.

« Ouais, tu pourras venir et amener des gens avec toi si tu veux ! Tu préfèrerais de la magie ou une pièce de théâtre ? »

Je m’emballe un peu, mais comprenez, ça me fait trop plaisir que quelqu’un s’intéresse à mon travail (parce que soyons francs, mes parents regardaient juste pour voir si je faisais pas de conneries et si j’allais pas sauter du toit par exemple) (même si j’avoue que sauter du toit pour simuler ma mort serait sympathique, pour admirer leur visage effaré. Comment ça, je ne respecte rien ?)
Quoiqu’il en soit, elle demande même mon numéro de téléphone. WOAH. J’ai gagné une fan en une seule heure ! Il va falloir que je m’entraine à signer des autographes, une fois rentré !
Mais avant tout, réglons cette question de téléphone.

« J’espère que t’as une bonne mémoire, parce que je répèterais pas ! » préviens-je avant d’énoncer mon numéro de téléphone. Puis de le répéter quand même ; faudrait pas que je perde une spectatrice pour cause de fierté mal placée.
Tiens, en parlant de fierté mal placée, je ravale celle-ci un instant.

« T’inquiète, au final j’ai récupéré mon butin, et puis ça m’a diverti alors c’est ok ! »
Je fais le signe ok avec ma main, puis je récupère mon sac. Avec toutes ces histoires, je n’ai pas pu récolter ne serait-ce que la moitié de feuilles nécessaires à mon costume. Heureusement qu’on a pas mal secoué les branches avec nos conneries. J’ai l’embarras du choix.