Bien que Zero ne soit pas du tout un être qui aime se mélanger aux autres, il adore l'aspect sociologique des choses et étudie très souvent les autres à distance. On ne sait pas exactement ce qui le pousse à s'intéresser à l'homme avec un grand « h » si ce n'est que celui-ci lui paraît aussi ridicule qu'un phoque qui tenterait de faire tenir un ballon sur son nez dans un cirque. Particulièrement désabusé, il ne cherche plus tellement à croire en l'espèce humaine, préférant se foutre royalement de l'opinion des gens et se moquer intérieurement de leur hypocrisie et de leur manière de bomber le torse avec l'espoir d'être plus puissant, intelligent et "cool" qu'un autre.
Il ne cherche ni la gloire, ni à ce que l'on vienne lui lécher les bottes et quiconque connaît la famille de Zero pourrait considérer étonnant que le Nobutada soit aussi désintéressé du pouvoir. Dès que son père lui parle de son héritage, de combien il était important que Zero succède à l'entreprise familiale, qu'il aurait sous son autorité des milliers de japonais, il s'en contrefichait et regardait le vieux d'un air las, mâchant son chewing-gum.
Peut-être son handicap principal était-il son habileté à réfléchir ? Il y avait de ces moments ─ nombreux, cela va de soit ─ où il croyait appartenir à un autre univers. Alors que la plupart des adolescents de son âge rigolaient grassement de la nouvelle série en vogue où les blagues grivoises et l'aspect sexuel étaient évoqués de façon si juvénile, lui se plaisait à demeurer tiède, levant le regard vers le ciel en implorant l'univers que l'on fasse tomber sur leur tête une pluie d'intelligence.
N'allez pas croire, toutefois, que Zero est ennuyeux. Il paraît imperméable à toute forme d'immaturité, mais peut très bien plaisanter lorsque l'envie lui prend. Il aime le sarcasme, l'humour décapant, l'irrévérence et l'aspect noir des choses. C'est un gars sans crainte qui se marre devant un bon film d'horreur et fixe les informations à la télévision avec un grand stoïcisme. Est-il insensible à la souffrance des autres ? Non. L'injustice le rebute. Il n'y aurait pas plus jouissif pour lui que d'écraser la tête du petit criminel pédant qui se croit le maître du monde contre le mur.
Un air constamment renfrogné au visage, Zero risque bien de vous donner l'impression qu'il ne possède d'autre intérêt pour vous que celui de savoir si vous allez rendre vos devoirs à temps ─ dans l'optique où, évidemment, vous faites partie du même binôme que lui.
Oui, en effet, Zero est un jeune homme d'un extrême sérieux dans les études. Il ne laisserait personne mettre en péril ses efforts : studieux, ponctuel, d'une extrême minutie et d'un perfectionnisme à friser le trouble obsessionnel-compulsif. N'allez pas croire qu'il fera une crise d'angoisse si jamais quelqu'un fait tomber du jus de raisin sur sa copie. Non, bien sûr que non. Il fera juste de votre vie un enfer en s'assurant que vous débouliez l'escalier à la sortie des classes et que votre slip disparaisse subitement au moment de vous changer dans les vestiaires.
Pourquoi cet intérêt ridicule pour les études ? C'est très simple, en vérité. Zero veut devenir flic.
Une ambition qu'il sait ne jamais pouvoir atteindre. Mais il s'y accroche tout de même, par entêtement. Tout est bon si ce n'est pas le désir de son père.
On lui reproche très souvent d'être hostile, glacé, impassible, caustique et même cynique. C'est qu'il ne cherche pas à cacher son humeur lorsqu'il est dans un mauvais jour. Derrière cette supposée maîtrise de soi se dissimule une violence pénétrante, une impatience qui naît et bourgeonne si rapidement que l'on a pas le temps de la voir venir. Il frappe là où ça fait mal, avec les yeux brûlants, quitte à s'en casser les doigts, quitte à en perdre la raison. La colère et l'amertume qui le compose, cette rancune démesurée qui sommeille en son cœur, ne font que croître dès que l'on touche une corde sensible chez lui.
Alors, il dévore tout ce qui croise son chemin, n'ayant aucune limite.
Vous l'aurez comprit. Zero paraît être quelqu'un, mais l'on ne sait rien de lui. Il ne s'ouvre qu'à très peu de gens. C'est un incapable, gauche et malhabile avec les autres. L'amour lui paraît être le pire des monstres ; l'amour est prêt à l'avaler, lui, pauvre ignorant. Il ne sait rien des sentiments, il ne connaît rien d'autre que l'orgueil et le dédain. Et il connaît la cruauté, l'avarice, les accords suspects et les règles violées. C'est la vie de son père transposée sur la sienne, rien d'autre.
Au fond, Zero passe à côté de la vie, car il n'est que déchéance, soumis à sa propre antipathie. Un beau crétin, emmerdeur et ─ à peu près ─ misogyne, mais avec une bonne âme. Enfin, sans certitude.