Il faut sortir, Silke.
Rester enfermée ne t'apportera rien de bon.
C'est ce que je me répète souvent, parce qu'on le répète énormément aux enfants, vous savez ? Qu'il est important de s'aérer, de profiter du soleil, tout ça...
...
Mais est-ce réellement le cas ?
Je ne questionne pas l'aspect scientifique de la chose. Le soleil nous apporte de la vitamine D, si mes souvenirs sont bons, et je veux bien croire qu'en règle générale, l'air extérieur est meilleur que l'air intérieur (si l'on exclue les zones polluées). Non, je ne remets rien de ceci en question.
Mais,
n'est-il pas important aussi de préserver ma santé mentale ?
Bien sûr, personne ne peut me répondre. Enfin, peut-être que, s'ils savaient, ils pourraient me répondre... Mais ils ne savent pas. Et, j'ose l'espérer, ils ne le sauront jamais.
Même si, en toute honnêteté, je finirai un jour ou l'autre par craquer.
En bref, j'ai longuement débattu sur la question. J'ai pesé le pour et le contre, fait une liste très détaillée de tous les avantages et inconvénients à rester dedans et à sortir, pour finalement en arriver à la conclusion que je ne pouvais décemment pas rester enfermée pour le restant de mes jours, mais que, oui, mes sorties allaient fortement diminuer. J'ai ensuite listé tous les endroits où je pourrais aller, cherché celui qui serait le moins... Le moins quoi ? Le moins effrayant ? Cela paraît ridicule, dit comme ça... Et pourtant, ce n'est pas loin de la vérité.
Finalement, j'ai choisi le parc. Cela peut paraître bizarre, pour une adulte, de vouloir aller dans un parc pour enfants. Mais il y a une raison bien logique à ce choix : si j'y vais en semaine, en toute logique, je n'y croiserai personne. Or, moins je verrai de gens, mieux je me porterai, je pense. Pour le moment, tout du moins. Le temps que je... m'habitue à cette 'maladie'. Je ne sais pas si l'on peut appeler cela une maladie à proprement parler. Peut-être suis-je simplement devenue folle. Et, en ce cas, puis-je réellement m'y habituer ? Est-il possible de s'habituer à ça ?
Habillée d'un chemisier blanc et d'un pantalon slim noir, je suis donc sortie un jeudi après-midi (après-midi bien avancé finalement, je me demande à quelle heure ils finissent les cours...). La marche est courte, puisque le parc est non-loin de l'immeuble où j'habite (la proximité est aussi un avantage, si je ressens le besoin de me réfugier chez moi, je le peux, au moins...). Tout du moins, en théorie. Lorsque vous vous arrêtez toutes les deux minutes parce qu'il vous a semblé voir l'ombre d'une créature passer derrière vous, que vous tentez de vous rassurer en vous disant que le bras que vous voyez là n'est que la branche d'un arbre, que vous vous persuadez que le cri que vous avez entendu n'est que le fruit de votre imagination, vous avez bien du mal à parcourir ce court trajet rapidement.
Parfois, je me dis que j'aurais préféré que la catastrophe emporte ma vie,
au lieu de me donner ça.
Je ne demande même pas un de ces pouvoirs dont certains ont hérités.
Je veux juste que tout cela se termine.
Une fois arrivée, je m'assieds sur une balançoire, posant mon sac sur celle voisine (il n'y a personne, après tout... Je crois). J'en sors mes lunettes, un petit livre, et commence à lire, tentant d'oublier ce qui m'entoure, à l'exception de Lucy, qui me soutient comme elle peut dans tout ceci.
Parfois, j'ai la sensation d'être dans un film d'horreur.
J'aimerais que ce soit juste cela.