L'ancêtre et le garnement (privé Bryan)

Un bâillement à peine dissimulé s’échappa d’entre ses lèvres et raisonna dans la pièce à présent vide. Son dernier cours de la journée venait de se terminer et le professeur qui venait d’assister à une performance plutôt amusante de sa classe de première année – et qui n’avait pas pu s’empêcher de les accompagner avec son petit cirque habituel – n’était pas contre l’idée de s’installer et se reposer jusqu’à ce que le son de la cloche ne le réveille brusquement comme si souvent. Il était assez tôt, milieu d’après-midi pour être plus exact, l’heure parfaite pour une petite sieste revigorante avant d’aller chercher sa bouteille de saké et repartir en ville pour débuter la soirée. D’un mouvement plutôt nonchalant, il ouvrit la porte du dojo dans lequel il donnait ses cours pour pouvoir admirer les jardins sur lesquels le petit bâtiment extérieur à l’établissement donnait. La lumière du soleil vint illuminer sa peau pâle, réchauffant ses joues alors qu’il levait les yeux au ciel et s’étirait, profitant de la brise et du calme que lui offrait ce cadre idyllique. Il était suffisamment isolé du pensionnat pour que ses songes soient bercés par la douceur du chant des oiseaux sans entendre les piaillements de certains élèves un peu trop bavards et à la voix beaucoup trop aigue à son goût.

Il enleva sa veste qu’il alla déposer près de l’entrée, à côté de ses sandales, puis alla s’installer au centre de la pièce face aux jardins dans une position propice à la méditation. Il retira son bob qu’il posa non loin de lui, dévoilant ainsi la touffe blonde et broussailleuse lui servant de cheveux. Ses yeux se fermèrent finalement, il était ainsi en parfaite harmonie et ne mit pas longtemps à… Basculer sur le côté comme un vieux sac, la bouche grande ouverte et un petit filet de bave coulant le long de sa joue. La classe à l’état pure. Toutefois, il ne put profiter de son sommeil qu’un court instant. Le bruit sourd des portes coulissantes venant s’entrechoquer le réveilla dans un sursaut. D’un air assez ahuri et surpris, il finit par poser son regard sur la tignasse rousse qui se présentait face à lui. « Mais quel vaurien tu fais, oser réveiller son sensei durant sa pause ! » Il bâilla à nouveau comme une bête et essuya la bave au coin de sa bouche de la paume de sa main. « J’espère pour toi que tu as une bonne raison, et ne viens pas me dire que tu t’ennuyais. »

- « Bah… J’me faisais vraiment chier… »

Et j’étais sérieux. A aucun moment je n’eus un sourire espiègle ou une mine amusée, quelque chose du genre. Ce bahut faisait chier comme jamais et c’était pas faute d’avoir essayé plusieurs petites choses pour m’amuser. Mais à part baiser des meufs qui avaient un gros cul comme je les aimais et foutre une raclée aux petits cons qui voulaient s’la jouer kaïras, j’voyais pas trop quoi faire. Les cours n’étaient pas non plus terribles et malgré mes absences répétées, j’avais de bonnes moyennes. Bref, pas forcément fendard, alors que l’établissement était pourtant pas mal dans son genre. Un vrai p’tit coin de paradis quand toutes les conditions étaient réunies pour se distraire et tout.

- « Fais pas la tête le vioque, j’viens en plus avec des cadeaux. »

J’refermai la porte coulissante derrière moi aussi sèchement que je l’avais ouverte, avant de m’avancer vers lui avec un petit sourire aux lèvres cette fois-ci. J’étais habitué à voir sa tronche pas vraiment glorieuse et je dois avouer qu’il avait l’air vraiment très con ce mec ! Néanmoins, le vioque était l’incarnation même du proverbe suivant : « Les apparences sont souvent trompeuses. » A le voir comme ça, on croirait pas qu’il s’agissait d’un artiste martial de renom ici, au Japon. J’me souviens que j’avais failli me casser les dents contre lui en pensant qu’il était juste un guignol et ces souvenirs renforçaient à chaque fois l’admiration et l’immense respect que j’avais pour lui. Un type qui en valait la peine :

- « Regarde, regarde… »

Je m’assis en face de lui avant de mettre mon sac à dos devant moi que j’ouvris rapidement pour en extraire des objets : Des revues et DVD pornographiques à foison. Là, c’était juste une provocation gratuite, parce qu’il était un gros pervers, sauf qu’il faisait tellement le con que j’avais l’impression qu’il concrétisait jamais. De ce fait, il m’arrivait souvent de me moquer de lui comme je le faisais actuellement. Mais les cadeaux s’arrêtèrent pas là. J’fis sortir deux grosses bouteilles de saké : Des Junmai-daiginjō-shu. Du pur saké par excellence, coutant la peau des fesses. Il n’y avait pas beaucoup de personnes qui pouvaient s’en offrir, mais comme j’étais pété de thunes, j’avais pas lésiné sur les moyens today.

- « Ça vaut la peine de t’avoir dérangé, non ? »

J’eus un sourire franc à la suite de ma phrase. C’était rare, mais avec Ivan, je pouvais être moi-même.